Lorsqu'on parle du bassin de l'Atlantique, il faut comprendre toute la
zone maritime de l'Océan Atlantique proprement dit, auquel on inclut la
Mer des Caraïbes, appelée aussi Mer des Antilles, ainsi que le
Golfe du Mexique.
Afin d'établir des statistiques fiables, nous nous servirons d'une base de données élaborée par les services météorologiques américains, le N.H.C. de Miami en particulier, qui débute en 1871, mais distingue tempête tropicale et ouragans depuis 1886. Cette base de données de plus de 120 ans, a fait l'objet d'un traitement spécifique, à la fois numérique et graphique, par les météorologues des Antilles françaises. Le logiciel ainsi développé porte le nom de HURDAT (pour HURricane DATa).
Bien entendu, avant l'avènement des satellites météorologiques au cours des années 60, on peut s'interroger sur la qualité et la véracité des informations contenues dans cette base. Par contre, nul doute qu'à partir de la fin des années 60, les indications de cette base de données sont fiables et sont utilisées comme une référence : on prendra ainsi l'année 1966 comme année de début de statistiques avérées et validées. Ceux qui voudraient travailler à partir de données plus anciennes sont tenus d'effectuer une correction (près de 2 phénomènes par an) pour tenir compte de la sous-estimation du nombre des phénomènes recensés avant 1965, notamment ceux n'ayant jamais touché de terres, ni passés à proximité proches de bâteaux ou bouées de mesures, et qui n'auraient donc pas été comptabilisés, faute de témoignages objectifs ou de données météorologiques avérées.
Combien y a-t-il donc de cyclones chaque année en moyenne sur l'ensemble du bassin ? Remarquons, avant d'y répondre, que nous ne considérons dans cette petite étude que les seuls phénomènes ayant atteint le stade de tempête tropicale (vent soutenu supérieur à 63 km/h), qu'on appellera par abus de langage cyclones, car nous ne pouvons raisonnablement comptabiliser les dépressions tropicales, qu'on ne baptise d'ailleurs pas !
La moyenne des 40 dernières années
est d'environ 10 phénomènes
baptisés par an (10,4 pour être précis), dont 6
atteignent l'intensité d'ouragan. Mais on constate des différences énormes
d'une année à l'autre, la variabilité inter-annuelle étant
justement une caractéristique de ces statistiques. Ainsi, le nombre
annuel a varié entre 4 et 27 ! L'année 1983 n'a connu que 4 cyclones
: c'était une année pendant laquelle il y eut un épisode " El
Niño " très prononcé, le plus fort du siècle
probablement, alors que l'activité cyclonique vers la Polynésie était, à l'inverse,
exceptionnellement importante durant l'hivernage 82 - 83. Et a contrario, l'année
2005 est une année record (depuis même le début de la base de données officialisées
il y a plus de 120 ans) avec ses 27 cyclones baptisés
!
Si l'on ne considère que les seuls ouragans, dont la moyenne annuelle
est de 6, la variabilité est tout aussi large : entre 2 en 1982
et 15 en 2005 !
Quand on étudie ce recensement cyclonique annuel, avant 1995, et même si on manque sérieusement de recul pour être plus affirmatif, on peut dégager une sorte de cycle plus ou moins régulier. Après 2 ou 3 années d'activité - plus de 11 cyclones par an - on observe souvent 2 à 4 années consécutives de moindre activité - moins de 8 par an -. Cette tendance est probablement à rapprocher de l'oscillation dite " E.N.S.O. " pour El Niño Southern Oscillation (cf rubriques " El Niño " ou " Prévisions à long terme "), phénomène ou anomalie climatique que l'on retrouve chaque 4 à 6 ans au large des côtes de l'Océan Pacifique du Pérou et du Chili. Mais ce paramètre n'est pas le seul à agir sur l'activité cyclonique, certaines équipes de chercheurs en proposent un certain nombre, qui sont étudiés chaque année et font l'objet de rapports, sortes de prévisions à longue échéance dont on parle ailleurs. D'autres " cyclonologues " attribuent également à l'activité solaire, dont le cycle est voisin de 11 ans, ou à la variation thermohaline des océans (modification de la température et la salinité, ce qui influe directement sur la densité des eaux), dont le cycle serait de l'ordre de 25/30 ans environ, un rôle non négligeable sur le nombre de cyclones observés chaque année sur le globe …
Cette explication - modification sensible dans les courants thermohalines de l'Océan Atlantique depuis 1995 - est d'ailleurs retenue par de nombreux scientifiques pour justifier l'augmentation très sensible depuis cette date de l'actvité cyclonique sur l'Atlantique, cette hausse se traduisant a contrario par une légère baisse du nombre de cyclones dans les autres bassins océaniques (océans Indien et Pacifique notamment). Ce qui maintient le nombre de cyclones dans le monde aux environs de 80/85 par an, et ce malgré le réchauffement climatique (pas d'augmentation globale de l'activité cyclonique avérée actuellement).
Bref, on le voit, les cycles et variations des différents paramètres atmosphériques, océaniques, voire astraux, ne manquent pas pour étudier cette variabilité de l'activité cyclonique. Le tableau ci-dessous indique le nombre de tempêtes et d'ouragans recensés pour le large domaine de l'Atlantique, ainsi que l'évolution de la moyenne (sur 10 ans) du nombre total de cyclones (tempêtes + ouragans) : à noter que cette moyenne a augmenté de 8/9 environ dans les années 80 à 90, à plus de 14, presque 15 désormais.
Mais on notera enfin que l'activité cyclonique ne se mesure pas uniquement à partir du nombre de phénomènes, mais aussi de leur intensité et de leur durée de vie, un cyclone vivant 10 jours étant potentiellement plus dangereux qu'un système n'existant que durant 2 ou 3 jours, à intensité égale.
© Météo France 2007