Passage de l’Ouragan LENNY
du 17 au 19 novembre 1999 sur
l’archipel de la Guadeloupe
Rédigé par le service météorologique de Guadeloupe le 1er décembre 1999
(Roland Mazurie, Joël Gueusquin, Christian Brévignon)
- 1 - Historique (trajectoire, évolution)
1-1 Formation et évolution (13 au 16 novembre)
Depuis le 11 novembre, une zone de basses pressions sur le nord-ouest de la mer des Caraïbes génère des averses orageuses sur une partie de l’Amérique Centrale, du Mexique et l’ouest des Grandes Antilles. La masse nuageuse convective associée à cette zone perturbée commence à se structurer dans la nuit du 12 au 13, mais les enroulements nuageux en basses couches ne sont pas encore très bien définis. Une reconnaissance aérienne est effectuée dans l’après-midi du samedi 13 novembre. Le NHC de Miami classe alors cette perturbation en Dépression Tropicale n° 16. Elle est située à l’ouest-sud-ouest de la Jamaïque, et son déplacement est estimé à 10 km/h vers le sud. La dépression devient Tempête Tropicale 24 heures plus tard, le 14 dans l’après-midi, baptisée LENNY. Six heures plus tard, se développant extraordinairement vite, Lenny atteint le stade d’Ouragan de classe 1 sur l’échelle des ouragans de Saffir et Simpson, puis de classe 2 pendant 12 heures avant de repasser classe 1 dans l’après-midi du 15. L’œil du cyclone devient visible. Lenny est alors situé vers 15 degrés Nord, à 300 km au sud d’Haïti. Lenny va de nouveau se renforcer à partir du 16 novembre, et se déplace alors pratiquement plein est.
Le 16 novembre, le NHC prévoit l’infléchissement
progressif du déplacement vers le nord-est, ce qui ferait passer
Lenny sur les Iles Vierges, à l’est de Porto-Rico. Dans l’après-midi
du 16, Lenny est un ouragan de classe 3, et sa trajectoire s’infléchit
vers l’est-nord-est, se maintenant plus au sud que prévu. Le nord
des Petites Antilles (Iles Vierges, Saint-Martin, Anguilla, Saint-Barthélemy...)
est alors sous la menace directe de cet ouragan.
1-2 Passage sur la Guadeloupe et son archipel (17 au 20 novembre)
L’ouragan se renforce encore pendant la journée du 17, et atteint la classe 4 avec des vents maximums soutenus de 240 km/h dans l’après-midi. Il s’approche de l’île de St-Croix (Iles Vierges américaines).
Estimant en effet que le centre est devenu peu discernable
au sein d’une zone dépressionnaire plus vaste, le NHC indique un
déplacement stationnaire ou faible vers l’est alors que ses prévisions
du 18 et 19 novembre prévoient encore une direction de déplacement
vers le nord-est, ce qui mettrait la Guadeloupe à l’écart
du cyclone. Mais LENNY (devenu tempête tropicale le 19 après-midi)
se déplace vraiment vers le sud-est, son centre passant dans
la nuit du 19 au 20 légèrement au nord de l’île d’Antigua,
et à 40 km à l’est de la Désirade en fin de nuit.
Le 20 novembre en soirée, Lenny est situé à 200 km
à l’est de la Dominique, et entame – enfin - sa remontée
vers le nord-est. Il est rapidement déclassé en dépression
tropicale le 21 novembre, et se dissipe 24 heures plus tard à plus
de 550 km au nord-est de la Guadeloupe.
A noter que c’est la 1ère fois dans le siècle (en fait, depuis 1886, date de début d’un recensement sérieux de la part des climatologistes américains qui ont constitué une base de données cycloniques sur la zone de l’Atlantique et des mers adjacentes) qu’un ouragan intense traverse l’archipel des Petites Antilles après le 31 octobre : c’est donc une première pour LENNY (précédent cas aussi anachronique : ALICE, ouragan de classe 1 traversant le nord de l’arc antillais le 2 janvier 1955).
De la même manière, un autre aspect exceptionnel est l’allure de la trajectoire de LENNY, inédite dans nos régions avec un déplacement vers l’est sur près de 2000 km en Mer des Caraïbes, avant un arrêt, puis un mouvement vers le sud-est, ... Certains ont rapproché ce cyclone de KLAUS, début novembre 1984, dont la houle avait aussi provoqué des dégâts sur la côte Caraïbe, notamment vers Saint-Barth’. Mais la trajectoire de KLAUS fut assez différente, partant du nord de Curaçao et remontant graduellement vers le nord-est pour passer juste à l’est de Porto-Rico, sous forme d’une tempête tropicale, avant de s’intensifier en Atlantique plus loin, à 200 km au nord de Saint-Martin ...
On a beau étudier le passé cyclonique de la région, il faut bien l’avouer : LENNY est unique et inédit, quoiqu’en disent après coup certains. Il ne faut peut-être pas chercher plus loin, la mauvaise qualité des prévisions cycloniques le concernant, les records et les exceptions n’étant généralement pas modélisés et donc pas prévisibles, ...
- 2 - Prévisions et Alertes
2-1 Qualités des prévisions de trajectoires
2-2 Alertes déclenchées par la Préfecture de Guadeloupe
St-Barthélémy et St-Martin
PRE-ALERTE déclenchée le mardi 16 novembre à 17h00
PAS de PLAN SPECIALISE : les effets périphériques,
forte houle et pluies abondantes, étant " traités " par les
bulletins spéciaux de Météo-France (BRAM MétéoFlash),
les prévisions de trajectoire ne prenant pas du tout en compte la
possible " descente " en latitude du phénomène, et donc le
risque de rapprochement, la pré-alerte, un temps envisagé
entre jeudi 18 au soir et vendredi 19 au matin, ne fut finalement pas déclenchée.
2-3 Bulletins spéciaux rédigés par le Service Régional de Météorologie de Guadeloupe
En préalable, on pourra rappeler quelques caractéristiques marquantes de ce cyclone :
On peut également montrer la trajectoire de cet
ouragan avec l’enveloppe des vents supérieurs à 63 km/h (33
nœuds ou tropical storm) - en jaune
-et supérieurs à 117 km/h (63 nœuds ou hurricane)
– en rouge -, tels qu’analysés
en temps réel par le NHC. A noter que le vent supérieur à
63 km/h en valeur soutenue lors du passage de la tempête à
proximité de la Guadeloupe ne fut pas observé (surestimation
de la zone de vents par le NHC), les vents les plus forts étant
observés la veille dans le flux de secteur Sud, alors que l’ouragan
était à 200 km plus au nord.
3-1 Guadeloupe et îles proches
Passage du centre au plus près de la Désirade vers 05h00 du matin le 20 novembre à moins de 30 km au nord-est, à 35 km de la Grande-Vigie vers 03/04h00
Pression minimale réduite au niveau de la mer :
A la Désirade : 994,0 hPa le 20 novembre entre 03h00 et 04h00 du matin
Au Raizet : 996,8 hPa à 03h48 le 20 novembre
La pluie
Voici ci-dessous plusieurs tableaux de
Précipitations recueillies du mercredi 17 au vendredi 19 novembre 1999
Stations | 17 novembre | 18 novembre | 19 novembre | En 48 heures, les 18 et 19 nov. | En 72 heures, du 17 au 19 nov. |
Grande-Terre | |||||
Anse-Bertrand Campêche | 42,5 mm | 155 mm | 124,5 mm | 279,5 mm | 322 mm |
Port-Louis Gendarmerie | 27 mm | 176 mm | 263 mm | 439 mm | 466 mm |
Petit-Canal Gros-Cap | 48,5 mm | 108 mm | 135,2 mm | 243,2 mm | 291,7 mm |
Morne-à-l’Eau Gendarmerie | 20 mm | 120 mm | 300 mm | 420 mm | 440 mm |
Abymes Boisvinière | 29 mm | 103 mm | 213 mm | 316 mm | 345 mm |
Abymes Jardin d’Essais | 22,3 mm | 188,4 mm | 37 mm | 225,4 mm | 247,7 mm |
Abymes Le Raizet | 23,8 mm | 113 mm | 207 mm | 320 mm | 343,8 mm |
Le Moule l’Ecluse | 106 mm | 17 mm | 129 mm | 146 mm | 252 mm |
Sainte-Anne collège | 84 mm | 7,5 mm | 94 mm | 101,5 mm | 185,5 mm |
Sainte-Anne Douville | 99,5 mm | 14,2 mm | 118,5 mm | 132,7 mm | 232,2 mm |
Saint-François gendarmerie | 28,2 mm | 18,3 mm | 189 mm | 207,3 mm | 235,5 mm |
Basse-Terre | |||||
Baie-Mahault Destrellan | 29 mm | 288,5 mm | 43,5 mm | 332 mm | 361 mm |
Lamentin Caillou | 11,7 mm | 80 mm | 58,5 mm | 138,5 mm | 150,2 mm |
Sainte-Rose Bourg | 14 mm | 105 mm | 54 mm | 159 mm | 173 mm |
Sainte-Rose Sofaia | 17,5 mm | 119,9 mm | 121,4 mm | 241,3 mm | 258,8 mm |
Petit-Bourg Roujol CIRAD | 18 mm | 99 mm | 246 mm | 345 mm | 363 mm |
Petit-Bourg gendarmerie | 29 mm | 306 mm | 37 mm | 343 mm | 372 mm |
Goyave La Rose | 42,5 mm | 231,5 mm | 145 mm | 376,5 mm | 419 mm |
Capesterre Grand Carbet | 28 mm | 109 mm | 232 mm | 341 mm | 369 mm |
Capesterre Bananier | 68 mm | 198 mm | 266 mm | ||
Gourbeyre Houelmont | 25 mm | 103 mm | 18 mm | 121 mm | 146 mm |
Gourbeyre Gros Morne Dolé | 30 mm | 144 mm | 70 mm | 214 mm | 244 mm |
Basse-Terre Conseil Régional | 16,5 mm | 38,5 mm | 96,5 mm | 135 mm | 151,5 mm |
Basse-Terre Guillard | 20 mm | 70 mm | 68 mm | 138 mm | 158 mm |
Saint-Claude maison du Volc. | 36 mm | 189mm | 90 mm | 279 mm | 315 mm |
Vieux-Fort bourg | 22 mm | 5,5 mm | 90 mm | 95,5 mm | 117.5 mm |
Baillif aérodrome | 18,5 mm | 78,5 mm | 73 mm | 151,5 mm | 170 mm |
Vieux-Habitants Beausoleil | 21,2 mm | 88,1 mm | 100 mm | 188,1 mm | 209,3 |
Bouillante Pigeon | 19,5 mm | 223,5 mm | 71,5 mm | 295 mm | 314,5 mm |
Pointe-Noire gendarmerie | 33,8 mm | 130 mm | 84 mm | 214 mm | 247,8 mm |
Pointe-Noire Bellevue | 26 mm | 192,5 mm | 93 mm | 285,5 mm | 311,5 mm |
Deshaies gendarmerie | 27,7 mm | 146 mm | 67,5 mm | 213,5 mm | 241,2 mm |
Stations | 17 novembre | 18 novembre | 19 novembre | En 48 heures, les 18 et 19 nov. | En 72 heures, du 17 au 19 nov. |
Marie-Galante | |||||
Grand-Bourg Gendarmerie | 18 mm | 35 mm | 88 mm | 123 mm | 141 mm |
Desirade | |||||
Désirade gendarmerie | 19,2 mm | 7,2 mm | 67,7 mm | 74,9 mm | 94,1 mm |
Notons que les précipitations indiquées dans ces tableaux correspondent au relevé journalier de 8 heures le lendemain matin : pluies recueillies depuis 8 heures locales le jour et jusqu’à 8 heures locales le lendemain.
Quelques-unes des valeurs quotidiennes constituent des records (en gras dans les tableaux).
Intensités remarquables au Raizet :
2 jours | 24 heures | 2 heures | 1 heure | 15 minutes | |
Le Raizet. | 332 mm
du 18 à 04h00 au 20 à 04h00 |
301 mm
du 18 à 16h18 au 19 à 16h18 |
152 mm
le 19 de 7h54 à 9h54 |
90 mm
le 19 de 8h30 à 9h30 |
28 mm
le 19 de 8h56 à 9h12 |
Durées de retour (Gumbel) | Supérieure à 100 ans | 100 ans | Supérieure à 200 ans | Supérieure à 100 ans | 10 ans |
Les valeurs en gras constituent des records historiques.
Là où la longueur des séries de mesures (au moins 20 ans) le permettait, nous avons déterminé les durées de retour théoriques de tels événements pluvieux (méthode de Gumbel).
Durées de retour théoriques des cumuls sur un jour
:
Postes | Précipitations en 24 heures en millimètres | Durées de retour théoriques (Gumbel) | Longueur de la série de mesure |
Port-Louis gendarmerie | 263 | Supérieure à 100 ans | 41 ans |
Morne à l’Eau gendarmerie | 300 | Supérieure à 100 ans | 38 ans |
Abymes, Le Raizet | 207 | 20 ans | 38 ans |
Moule Ecluse | 129 | 5 ans | 40 ans |
Sainte-Anne Douville | 118,5 | 4 ans | 35 ans |
Saint-François gendarmerie | 189 | 20 ans | 34 ans |
Baie-Mahault Dupuy | 288,5 | Supérieure à 100 ans | 65 ans |
Petit-Bourg gendarmerie | 306 | Supérieure à 100 ans | 43 ans |
Capesterre Bananier | 198 | 5 ans | 38 ans |
Capesterre gendarmerie | 166 | 7 ans | 31 ans |
Saint-Claude Parnasse | 218 | 4 ans | 32 ans |
Vieux Habitants Beausoleil | 100 | 3 ans | 34 ans |
Bouillante Pigeon | 223,5 | 18 ans | 31 ans |
Deshaies gendarmerie | 146 | 10 ans | 47 ans |
Les précipitations quotidiennes ont donc été exceptionnelles à la fois sur la Grande-Terre (Port-Louis, Morne-à-l’Eau, Les Abymes, Saint-François), sur l’Est de la Basse-Terre (Baie-Mahault, Petit-Bourg, Goyave) et sur la côte " sous-le-vent " de Basse-Terre (Bouillante, Deshaies). Les quantités d’eau sont aussi très probablement exceptionnelles à Pointe-Noire (absence de série de mesure suffisamment longue).
Les régions du Sud Basse-Terre (Vieux-Habitants, Baillif, Basse-Terre, Saint-Claude, Vieux-Fort, Trois Rivières, Gourbeyre, Capesterre), de Sainte-Anne en Grande-Terre, de Sainte-Rose en Nord Basse-Terre, ainsi qu’une partie de la région de montagne (Petite Plaine, Providence, Duportail, Sofaïa, Parnasse, Maison du Volcan) ne présentent pas des valeurs exceptionnelles sur 24 heures.
Durées de retour théoriques des cumuls sur deux jours
:
Poste | Précipitations en 48 heures en millimètres | Durées de retour théoriques (Gumbel) | Longueur de la série de mesures |
Anse Bertrand Campêche | 279,5 | 20 ans | 21 ans |
Petit-Canal Girard | 211,5 | 12 ans | 38 ans |
Moule Ecluse | 146 | 3 ans | 39 ans |
Le Raizet | 320 | Supérieure à 100 ans | 49 ans |
Lamentin Caillou | 138,5 | 3 ans | 28 ans |
Le cumul des précipitations sur 48 heures présente un caractère exceptionnel à Petit-Canal, Anse-Bertrand ainsi que sur l’ensemble des communes de Grande-Terre où les valeurs quotidiennes sont déjà exceptionnelles. Les relevés effectués sur les communes du Moule et du Lamentin ne présentent pas un caractère exceptionnel sur 48 heures.
Durées de retour théoriques des cumuls sur trois jours
:
Poste | Précipitations en 72 heures en millimètres | Durées de retour théoriques (Gumbel) | Longueur de la série de mesures |
Sainte-Anne Douville | 232,2 | 10 ans | 32 ans |
Moule Ecluse | 252 | 13 ans | 39 ans |
Sainte-Rose Le Boyer | 176 | 3 ans | 27 ans |
Le cumul des précipitations sur 72 heures présente un caractère exceptionnel au Moule et à Sainte-Anne, en plus des communes de Grande-Terre citées précédemment. Les données de Sainte-Rose ne sont pas exceptionnelles.
Conclusion : La quasi-totalité des communes de la Grande-Terre a reçu des quantités de précipitations exceptionnelles (au moins décennales) sur un, deux ou trois jours. Les communes de Port-Louis, Morne-à-l’Eau et les Abymes ont subi des déluges centennaux. Nous n’avons pas de données sur Gosier et Pointe-à-Pitre mais les précipitations furent très probablement exceptionnelles, faisant continuité avec celles du Nord Grande-Terre et du Nord-Est de la Basse-Terre.
Sur Basse-Terre, l’Est a été sévèrement touché, avec des valeurs centennales. Le Nord de la côte-sous-le-vent (Deshaies, Bouillante) et probablement Pointe-Noire ont reçu des quantités décennales. Le Lamentin et Sainte-Rose ainsi que le sud de la Basse-Terre et une partie de la région montagneuse sont moins touchés, avec des durées de retour de l’ordre de trois à sept ans.
Les précipitations sur les îles de Marie-Galante
et la Désirade ne présentent pas un caractère exceptionnel.
Nous n’avons pas eu de données exploitables concernant Les Saintes.
Le vent
A la Désirade, comme probablement sur la Pointe de la Grande-Vigie (nord Grande-Terre), les valeurs enregistrées maximales furent de :
Météo France ne dispose pas de point de mesure de la houle en mer Caraïbe. L’estimation des creux et la chronologie des événements s’en remet aux témoignages de quelques observateurs (en particulier M. HUC météophile et cyclonologue émérite de Basse-Terre, dont les estimations visuelles ne souffrent pas le moindre doute).
Les vagues les plus énergétiques sont celles pour lesquelles la vitesse de déplacement (vitesse de groupe) est proche de la vitesse de déplacement de l’ouragan. Cette dernière a varié entre 25 et 30 km/h entre le 15 novembre au matin et le 16 novembre en soirée, période pendant laquelle s’est formée la houle cyclonique qui intéressera plus tard la Guadeloupe.
Nuit du mardi 16 au mercredi 17 novembre : Début d’arrivée du train de houle de Sud-Ouest sur la côte Caraïbe de la Guadeloupe ; amplification progressive en cours de nuit et début de matinée.
Journée du mercredi 17 novembre : La houle prend une direction Ouest frappant le littoral Caraïbe de plein fouet ; de très gros rouleaux se forment à partir de 9heures/ 9h30. De sérieux dégâts commencent à être observés. Après une légère atténuation en fin de matinée, une nouvelle aggravation se produit en début d’après-midi ; le plus fort du phénomène est observé vers 13h / 14 h. Les vagues sont très énergétiques mais n’ont pas plus de 4 mètres de hauteur. M. Jean-Claude Huc témoigne d’une hausse du niveau moyen de la mer, probablement due à l’absence de courant de retour en profondeur ; il estime cette espèce de " marée cyclonique ", ou hausse du niveau de la mer à environ 50 cm. Les déferlantes sont très énergétiques et rebondissent sur les obstacles. Dans la région de Vieux-Fort, la mer a tapé à mi hauteur de certaines falaises, déchiquetant les arbres et déplaçant les enrochements. Des impacts à 20 mètres de hauteur ont été relevés dans cette région où la mer s’engouffre.
Nuit du mercredi 17 au jeudi 18 novembre : continuité de la houle toute la nuit, jusqu’au jeudi matin, avec une rotation au secteur nord-ouest de celle-ci.
Journée du jeudi 18 novembre : La mer devient progressivement moins importante mais reste très forte.
Journée du vendredi 19 novembre : la mer est encore agitée à forte sur la côte Caraïbe.
Conclusion : Contrairement aux ouragans LUIS (1995)
et DAVID (1979), pour lesquels la houle dépassait 6 mètres,
celle de l’ouragan LENNY n'a pas dépassé 4 mètres.
Les dégâts occasionnés par cette houle furent cependant
beaucoup plus importants que lors de ces précédents
épisodes.
Les photos de cette page montrent quelques dégâts dus à la houle (front de mer de la ville de Basse-Terre, route littorale défoncée ou coupée), aux fortes pluies (inondations sur une grande partie de la Guadeloupe). Un merci particulier à Alain Delos photographe (et au centre de Documentation des Ouragans de la ville de Basse-Terre).
3-2 St-Barthélemy et St-Martin
Passage du centre sur les îles ou à moins de 10/20 km durant toute la nuit du 18 au 19 (entre 17/18h00 et 06/07h00)
Pression minimale réduite au niveau de la mer à Gustavia (Saint-Barth’) :
La station automatique de la station météo donne une valeur de 992,0 hectoPascals le 18 en soirée vers 20h00. A noter qu’à ce moment-là, le centre du cyclone tout proche (moins de 25 km) était considéré avoir une pression minimale de 975 hPa ...
La pluie
Le cyclone LENNY, moins de 4 semaines après JOSE et ses records, va aussi rester dans les annales, puisque les pluies y furent diluviennes durant plus de 48 heures
Tableau de précipitations relevées du 17 au 19 novembre 1999
Stations | Le 17 novembre | Le 18 novembre | En 48 heures, les 17 et 18 novembre |
Saint-Barthélémy Lorient | 197,2 mm | 196 mm | 393,2 mm |
Saint-Martin Marigot Gendarmerie | 384,4 mm | 482,2 mm | 866,6 mm |
Saint-Martin Marigot D.D.E. | 310 mm | 353 mm | 663 mm |
Ces quantités correspondent aux précipitations recueillies depuis 8 heures locales le jour et jusqu’à 8 heures locales le lendemain.
Les valeurs en gras constituent de nouveaux records.
Ces précipitations en 24 heures ont une durée de retour théorique de 60 ans à Saint-Barthélémy, supérieure à 100 ans à Saint-Martin.
A Saint-Barthélémy, le cumul des précipitations
sur 48 heures a une durée de retour supérieure à 100
ans (série de 27 années de mesures).
Intensités remarquables sur Saint-Martin :
24 heures | 12 heures | 6 heures | 3 heures | |
Saint-Martin Marigot D.D.E. | 575 mm
du 17 à 17h au 18 à 17h |
392 mm
du 18 à 5h au 18 à 17h |
290 mm
du 18 à 10h au 18 à 16h |
152 mm
du 18 à 10h au 18 à 13h |
Image radar
de Porto Rico du 17 à 18 UTC : activité pluvieuse tout autour
de l’oeil
Le vent
A Saint-Barthélemy, la station météorologique de Gustavia n’a plus de mât anémométrique valide, ni de capteur de vent depuis le passage de JOSE le mois précédent. On ne dispose donc plus de mesures officielles et on devra se contenter d’estimations.
Selon des témoignages visuels, il aurait pu dépasser 200 km/h en valeur soutenue 1 minute et 240/250 km/h en rafales le jeudi 18 en fin de journée, lorsque l’œil et son mur " errait " dans les parages des 3 îles de St-Barth’, St-Martin et Anguilla.
Après analyses de toutes les données disponibles au NHC de Miami (données celles des avions de reconnaissance), on retiendra des valeurs plus modestes : 150 km/h en valeur soutenue, rafales dépassant 180 km/h.
A Saint-Martin partie française, il semble (faute de capteur disponible à Grand-Case non plus) que le vent fut très légèrement supérieur, plus près du mur du cyclone lorsque celui-ci était encore intense, de catégorie 3 ou 4. On retiendra comme valeurs les plus probables, 160/170 km/h, en valeur soutenue sur 1 minute, et rafales proches de 200 km/h.
A signaler que l’analyse du NHC de Miami, à partir des données de reconnaissance avion, indiquait dans ses messages – advisories en temps réel, un vent maximum soutenu près du centre de 175/190 km/h avec rafales de 220/230 km/h.
La durée de retour théorique d’un ouragan de classe 2 (comme le fut LENNY à ce moment-là) sur les îles du nord de la Guadeloupe est voisine de 20 à 25 ans .
Image satellitale de LENNY tout proche de Saint-Martin et Saint-Barth’
La houle et l’état de la mer
METEO-France ne dispose pas de point de mesure de la houle à proximité des îles du Nord. L’estimation des creux et la chronologie des événements s’en remet au témoignage de quelques observateurs.
La hauteur des vagues a été estimée à 5 mètres dans la rade de Gustavia dans l’après-midi de jeudi (direction SW). Compte tenu des effets constatés, comme par exemple le déplacement d’une épave coulée par 10 mètres de fond (cargo de 30 m) sur plus de quarante mètres, et à partir d’expériences antérieures sur les effets de cyclones de même intensité se déplaçant peu, la hauteur des vagues au paroxysme du phénomène a pu atteindre 8 mètres, voire plus.
Conclusion : Les conditions météorologiques
subies par ces petites îles ont un caractère tout à
fait exceptionnel . Les durées de retour des quantités de
précipitations quotidiennes et de la force du vent ont des valeurs
supérieures à 50 ans. La persistance des mauvaises conditions
météorologiques durant deux jours a conduit à des
cumuls de précipitations plus que centennaux.