On a vu que la qualité des prévisions de trajectoire restait encore toute relative, et qu'au-delà de 48 heures déjà, l'erreur moyenne devient très importante, souvent supérieure à la taille du phénomène et à son influence directe, la zone des vents forts et des pluies cycloniques ne dépassant qu'exceptionnellement 150 km de rayon autour du centre !
Pourtant s'il paraît illusoire de vouloir prévoir le devenir d'un cyclone au-delà de 2 ou 3 jours d'échéance, on peut considérer comme intéressant d'avoir des informations sur l'activité cyclonique attendue pour les prochaines semaines ou les prochains mois.
Ce genre de prévisions à longue échéance est encore du domaine de la recherche, mais un certain nombres de climatologues et de chercheurs se penchent sur ce problème de prévisions saisonnières. L'équipe de William GRAY (de l'Université du Colorado à Fort-Collins), est reconnue dans la communauté scientifique et fait autorité en la matière dans notre zone océanique de l'Atlantique. C'est son collègue Philip KLOTZBACH qui prend son relais ces dernières années.
Il a été démontré, statistiques à l'appui, qu'il existe des relations entre l'activité cyclonique sur l'Atlantique tropical, dont la saison s'étend de juin à novembre, et certains paramètres météorologiques de grande échelle. Certains de ces paramètres, ou facteurs prédictifs, sont disponibles 6 à 8 mois avant le début de la période étudiée, dès novembre de l'année précédente, d'autres ne le sont qu'après le printemps boréal, d'autres encore au tout début de l'été, lorsque la saison cyclonique débute donc sur la zone.
Ainsi cette équipe publie-t-elle chaque année les premiers résultats de ses recherches début décembre pour l'année suivante, résultats qui sont ensuite affinés en avril, puis juin avec les paramètres du printemps, et finalisés début août à partir des compléments du début de l'été.
De 4 prédicteurs principaux utilisés il y a quelques années, il est passé dorénavant à 7, auxquels il rajoute quelques ajustements :
Tous les 5 ans en moyenne (3 à 7 ans en fait), on constate que les eaux habituellement froides dans cette partie du Pacifique sont remplacées pendant plusieurs mois par des eaux plus chaudes (parfois 3 à 5°C en plus !). Ce genre de phénomène ayant plutôt tendance à se produire en fin d'année, ou à être maximal à cette époque, on lui a donné le nom de " l'enfant Jésus " ou en espagnol " El Niño ". Outre les conséquences désastreuses qu'il occasionne pour l'activité des pêcheurs péruviens, équatoriens et chiliens, qui ne retrouvent plus dans leurs filets les poissons habituels, son influence est un bouleversement complet de la circulation générale, non seulement océanique, mais aussi et surtout atmosphérique, sur l'ensemble du globe, les régions tropicales étant les plus sensiblement affectées.
Cette variation de température des eaux du Pacifique, provenant en réalité d'un affaiblissement de l'alizé intertropical sur ces régions, déclenche alors simultanément des pluies diluviennes dans certaines régions sèches d'Amérique du Sud, voire même jusque vers la Californie, la sécheresse en Australie et Indonésie, on dit même jusqu'en Afrique du Sud aussi, et une activité cyclonique profondément modifiée pendant une, voire 2 saisons.
Sur le bassin Atlantique qui nous concerne, l'arrivée d'un épisode " El Niño " se traduit par une diminution du nombre de cyclones et de leur intensité. Ce fut le cas en 1972-73, 1977, en 1982-83, en 1986, en 1991-92, en 1997, 2002, 2007. Il semble même qu'en 2009, 2 ans après le précédent, un nouvel épisode ait lieu
Lors du phénomène le plus accentué du siècle en 1982 et 1983, il n'a été recensé que 5 puis 4 cyclones sur l'ensemble de notre vaste zone océanique (pour une moyenne annuelle dépassant 9). A contrario, la Polynésie a connu un nombre record de cyclones durant l'hivernage correspondant !
Inversement, des conditions d'eaux froides sur l'est Pacifique, ce qui est plus normal et dont la période centrale est parfois dénommée par opposition au phénomène de base, " La Niña ", favorisent l'activité cyclonique en Atlantique, comme on a pu le constater en 1989-90, 1995, 1999 et 2005 notamment.
D'autres paramètres sont encore utilisés, on peut citer notamment :
On l'aura compris, le but de ces recherches est d'affecter alors d'un certain indice et coefficient tous ces paramètres étudiés, de manière très empirique peut-on dire, puis de fournir un indice final qui permettra de prévoir l'année cyclonique et son activité selon plusieurs aspects :
Qualité de ce type de prévisions et de leur utilité :
Comparées aux observations effectuées à l'issue de chacune des saisons cycloniques passées, on constate d'emblée que ce genre de prévisions ou pronostics est relativement bon qualitativement, beaucoup moins quantitativement. Car si la tendance par rapport à la moyenne est assez bien cernée - (plus ou moins active que la normal ou proche de la moyenne), les chiffres prévus sont tout de même souvent éloignés de la réalité.
Si leur intérêt scientifique peut se défendre (étude des paramètres prédicteurs notamment), leur intérêt opérationnel nous paraît très limité. En dehors de la qualité très imparfaite de ces prévisions, on ne peut évidemment prévoir, à partir d'une telle méthode, et même si la qualité est bonne ce qu'elle est parfois, les régions qui seront affectées par les cyclones, ni à quel moment privilégié ils se formeront.
De plus, que nous sert de savoir si l'année sera peu active, si justement un des rares cyclones formés cette année-là passe sur notre territoire ? Cela peut avoir un effet démobilisateur dangereux. L'année 1992 qu'on nous annonçait pauvre en cyclones, et qui le fut, a toutefois vu se développer ANDREW qui a dévasté le sud de la Floride. Qu'en ont pensé les habitants de ces régions sinistrées ? Inversement, l'année 1995 qu'on prévoyait active, et qui le fut de façon exceptionnelle, est probablement paru clémente pour les habitants de la Jamaïque et de Cuba, qui n'ont pas été concernés, ni de près ni de loin, par l'un des 19 cyclones de la saison. Et a contrario la fameuse année record de 2005, si active avec tant de cyclones sur les côtes américaines et une bonne partie de la Caraïbe, a paru beaucoup plus souriante sur nos îles des Petites Antilles, totalement épargnées par leurs trajectoires.
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