Historique des Services Météorologiques aux Antilles-Guyane

(à partir des recherches de MM. Duvergé et Frayssinet notamment)

Les conditions climatiques des Antilles françaises et de la Guyane sont telles, avec leur lot de précipitations diluviennes, de tempêtes ou de passages de cyclones tropicaux, qu'elles ont vite fait partie du quotidien des occupants de ces territoires. L'utilité de l'observation de l'atmosphère pour les récoltes, les déplacements en mer pour la pêche et les transports, pour les conditions de vie tout simplement de ces habitants, n'est donc pas à démontrer.

1. Les précurseurs de l'observation météorologique :

Les 1ères mentions écrites ayant trait au climat des Antilles françaises se trouvent dans les récits des missionnaires naturalistes du XVIIème siècle. Le père Jean-Baptiste Dutertre dès 1671, donne un exposé sommaire du climat de ces "nouveaux pays". Les chroniques de voyage du père Labat rapportent également le passage cruel d'ouragans dans les îles antillaises. Il faut dire qu'à cette époque, au XVIIème puis XVIIIème siècle, l'oeuvre des Jésuites est importante dans le domaine des sciences, avec de nombreuses créations d'observatoires astronomiques et météorologiques en Europe et dans les colonies.

Thibault de Chanvallon fournit dans son "Voyage à la Martinique" un relevé de ses observations météorologiques réalisées à Saint-Pierre en 1751. Il relate notamment ses sensations de chaleur ou fraîcheur en fonction de la température et du vent qui souffle.

Un officier géographe, Moreau de Jonnès, consigne de 1802 à 1815 un ensemble d'observations concernant les îles des Petites Antilles de Saint-Vincent à la Guadeloupe, y compris la Martinique. Il effectue alors un gros travail de synthèse de ces données permettant de reconstituer les éléments principaux du climat antillais ; il propose même une analyse des mécanismes de la formation des ouragans.

Par la suite, durant le XIXème siècle, des observations météorologiques sont effectuées par les services de santé de toutes ces colonies, aux Antilles et en Guyane. En 1834, elles sont confiées aux hopitaux militaires et rendues obligatoires. C'est alors le début d'organisation du 1er réseau de mesures. En Martinique, ces observations régulières existent à Saint-Pierre dès 1834, puis en 1840 à Fort-de-France. En Guadeloupe, des mesures sont consignées dès 1832 à Basse-Terre, à partir de 1853 à Pointe-à-Pitre, de 1855 à Camp-Jacob et 1863 aux Saintes.

La coopération internationale se développe également à cette époque, avec l'envoi régulier d'observations de la Martinique à l'observatoire de Belen (La Havane - Cuba), à partir de 1870, observatoire qui commence à organiser un réseau d'observations météorologiques dans les Caraïbes, sous l'impulsion d'un père Jésuite, Benoît Vines, qui s'intéresse particulièrement à l'étude des cyclones et qui établit les premières prévisions locales en 1875.

En Guadeloupe, 1870 voit aussi les exploitants sucriers tenir des sites de mesures pluviométriques pour leurs besoins propres, certains de ces sites existant encore 130 ans plus tard.

A partir de 1914, début de la Grande Guerre en France, le Service de l'Agriculture prend la relève des pharmaciens et médecins militaires pour assurer la continuité de la collecte des données à la Martinique.

2. La mise en place d'une organisation météorologique :

L'éruption de la Montagne Pelée le 8 mai 1902 raye de la carte la capitale de la Martinique, Saint-Pierre : le gouvernement français décide alors de créer l'Observatoire de la Martinique, chargé d'observations sismologiques, de surveillance du volcan et aussi d'effectuer des mesures météorologiques. Cet observatoire est installé près du Morne des Cadets, face à la Pelée, le décret du 18 août 1911 le plaçant sous la responsabilité du chef de la colonie. Un autre décret, celui du 21 juillet 1932, le transforme en Service Météorologique et de Physique du Globe.

Entre temps, une 2ème éruption a lieu le 16 septembre 1929, et en Guadeloupe, le passage d'un cyclone particulièrement violent, le 12 septembre 1928, ravage la région de Pointe-à-Pitre, et y fait, dit-on, 1200 à 1500 victimes. Le décret du 29 avril 1929 crée le Service Météorologique Colonial, placé sous l'autorité du ministre des colonies. La météorologie est certes l'activité principale de ce service, mais il est chargé également de traiter de toutes les questions scientifiques liées au domaine de la physique du globe et de l'atmosphère dans les colonies françaises d'Amérique.

3. Les débuts du service météorologique aux Antilles-Guyane jusqu'en 1945 :

1932 marque un tournant important dans l'histoire de la météorologie aux Antilles. Car cette année-là, arrive à Fort-de-France M. Jean Romer, ingénieur météorologiste, mais aussi professeur de physique formé à la sismologie et à la volcanologie. Il a pour mission d'appliquer le décret du 21 juillet et donc de créer en Martinique le Service Météorologique et de Physique du Globe, dont la nécessité se fait sentir, non seulement en raison des cyclones tropicaux, mais aussi du début des liaisons aériennes.

Le rôle de ce Service est notamment "d'obtenir des indications précises permettant d'ordonner les mesures de sauvegarde utiles et de renseigner la population sur les dangers qu'elle peut courir".

Recrutant du personnel local qu'il forme lui-même, M. Romer installe à Fort-de-France, la 1ère station météorologique des Antilles françaises sur le Morne Tartenson, et la direction du Service en ville sur les actuels boulevards, sur l'ancienne Levée. Peu après débute la construction du bâtiment du Morne Desaix, sur les hauteurs de la ville, qui abrite alors en 1934 à la fois la station de mesures et la direction. Celle-ci y est encore installée actuellement, plus de 70 ans plus tard.

La station principale de Fort-de-France est équipée d'une station de TSF émettrice-réceptrice, mais aussi d'une station aérologique, permettant d'effectuer des mesures de pression, température et pression en altitude (technique de ballons sondes). En tant qu'établissement central, elle contribue également à la protection dans une vaste zone géographique, établissant des cartes synoptiques sur des zones étendues (quart sud-ouest de l'Atlantique nord).

Les activités de ce Service Météorologique des années 30 se consacrent avant tout à la collecte de données d'observations et relevés pluviométriques effectués par les militaires du service de la Santé : cette activité de climatologie est limitée aux problèmes pratiques au bénéfice de l'agriculture, de la médecine, des travaux publics et de la navigation à voile. Mais très vite, le développement de l'aviation, avec un hydravion géant qui dès 1935 relie Dakar à Cayenne puis les Antilles, nécessite une protection météorologique de qualité.

A cette époque (1934), les services météorologiques de Guadeloupe et de Guyane sont encore à l'état embryonnaire, alors que la Martinique dispose déjà d'un réseau relativement denses de stations et points de mesures sur l'île, plus de 20, pour 1 seule en Guadeloupe et 2 en Guyane. Mais la station de Cayenne (Guyane) est dotée de toute l'instrumentation nécessaire pour réaliser des observations à terre ainsi qu'une station émettrice de TSF diffusant dans un rayon limité les renseignements généraux et les prévisions reçues.

En 1939 est ouverte en Martinique la station océanographique de la presqu'île de la Caravelle, véritable sentinelle pour la surveillance des cyclones, et idéalement placée pour l'observation de la mer et de la houle sur la côte Atlantique.

Ainsi, au fur et à mesure de l'arrivée sur place de personnels qualifiés, les activités météorologiques se tournent vers la prévision du temps et à l'organisation de la protection contre les cyclones tropicaux grâce à la diffusion d'avis de tempêtes. Les progrès de la prévision vont alors de pair avec ceux des moyens de télécommunication et l'avènement de la TSF (télégraphie sans fil). Sont alors résolus les problèmes provenant des moyens peu fiables constitués par les câbles sous-marins qui relient les îles antillaises. Les avis de cyclone provenant du Weather Bureau de Porto Rico parviennent rapidement dorénavant vers la population des Antilles françaises.

4. Le développement de la météorologie en Guadeloupe et en Guyane :

En comparaison avec la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane font figure de parents pauvres en matière de structure météorologique. C'est la 2ème guerre mondiale (1939 - 1945) qui sera le catalyseur du développement des services météorologiques dans ces 2 régions. Et l'évolution politique en France à l'issue de ce conflit mondial, avec la départementalisation en 1946, permettra l'intégration de ces 2 "départements" au sein du Service Météorologique Antilles-Guyane.

En Guadeloupe

Un arrêté du gouvernement de Vichy charge M. S. Frolow, successeur de M. Romer à la tête du Service Météorologique de Martinique, d'organiser la météorologie en Guadeloupe, pour répondre à la demande d'un trafic aérien en pleine croissance. En 1942, quelques agents de Martinique, sous l'autorité de l'ingénieur M. Gouault, sont ainsi détachés pour ouvrir à Saint-Claude (Basse-Terre) la première station. Celle-ci est ensuite transférée au Moule, puis en décembre 1943 dans la commune littorale du Gosier (à la Pergola, restaurant désaffecté).

Au début de 1944, le gouvernement américain se plaint auprès du gouvernement provisoire d'Alger de l'insuffisance de l'assistance météorologique reçue en Guadeloupe par sa compagnie Pan American Airways qui exploitait alors une ligne reliant les îles antillaises par hydravions. Il menace même d'ouvrir une station américaine, à l'instar de ce qui est fait en Guyane. Le gouverneur général de l'Afrique Occidentale Française, en charge des territoires français d'Amérique, reçoit ainsi l'ordre d'y envoyer rapidement un ingénieur de la météorologie. C'est le tout jeune Pierre Duvergé qui arrive en avril 1944 pour créer le service météorologique de Guadeloupe.

Celui-ci forme alors une dizaine de personnes qui commencent à travailler en 1945 à la station du Gosier, où ne reste plus qu'un seul Martiniquais M. Ilin. M. Duvergé obtient ensuite de son supérieur hiérarchique en Martinique l'ouverture d'une deuxième station à la pointe Montana, à l'est de l'île de la Désirade, puis une troisième à Gustavia, à Saint-Barthélemy. La station principale du Gosier est transférée alors en 1948 au port de Pointe-à-Pitre, puis trouve sa place définitive courant 1950 à l'aéroport du Raizet.

En Guyane

Durant ce temps, à 1600 km plus au sud, la Guyane s'est ralliée à la France libre le 17 mars 1943. L'urgence de mettre en place un pont aérien entre l'Afrique et l'Amérique Latine oblige à trouver un emplacement pour accueillir les imposants bombardiers américains, car la base militaire d'alors, le terrain du Galion, n'est pas adaptée. Le gouvernement français autorise alors les Etats-Unis à construire un aérodrome au lieu-dit "Camp des Malgaches" (commune de Matoury à 15 km environ de Cayenne), qui prendra le nom d'un Maréchal de France ayant combattu lors de la guerre d'indépendance des Etats-Unis, Rochambeau. Ils y installent donc une station météorologique assurant la protection de leurs avions ; cette station démarre donc en 1943 avec du personnel américain, assisté par un agent détaché de la Martinique.

L'aérodrome et son infrastructure reviennent à l'autorité française le 25 janvier 1949, mais dès 1946 et la départementalisation, M. Frolow y envoie une équipe pour assurer le fonctionnement de cette station de Rochambeau. Celle-ci va prendre de plus en plus d'importance pour satisfaire les besoins et exigences du trafic aérien, comme celles de Martinique et de Guadeloupe qui vont aussi s'installer au niveau des aéroports.

5. L'évolution du service météorologique Antilles-Guyane de 1946 à nos jours :

L'ordonnance du 2 novembre 1945 retire à la Météorologie Nationale toutes les activités liées à la géophysique. Le Service Météorologique et de Physique du Globe de la Martinique est alors séparé en deux entités distinctes, alors qu'auparavant le chef de ce service était également directeur de l'Observatoire de géophysique du Morne des Cadets. Ce dernier est rattaché à l'Institut de Physique du Globe de l'Université de Paris par le décret du 27 juin 1947.

Un autre décret, daté du 7 février 1949, institue le Service Météorologique du groupe Antilles-Guyane, avec une Direction à Desaix (Fort-de-France) et deux sous-régions, l'une en Guadeloupe, l'autre en Guyane.

De nouvelles stations d'observation sont créées :

- en Guyane dans les trois communes de Saint-Laurent du Maroni en 1949, Maripasoula en 1955 et Saint-Georges de l'Oyapock en 1956 ; la direction de la sous-région s'installe à Cayenne-ville. Suite à l'installation du Centre Spatial Guyanais à Kourou, une station y voit le jour en 1968, spécialement chargée de l'assistance météorologique aux activités de ce centre.

- en Martinique, sur l'aérodrome du Lamentin en 1951, pour être au contact de l'usager principal qu'est l'aéronautique. Bien plus tard, en mai 1978, les activités de prévision et de transmissions de données sont transférées de Desaix jusqu'à la station du Lamentin.

Par le décret du 13 mai 1985 créant les services extérieurs de la météorologie, le Service Météorologique du groupe Antilles-Guyane devient le SMIRAG, Service Météorologique InterRégional Antilles-Guyane.

Les sous-régions de Guadeloupe et Guyane deviennent des services météorologiques (SM), puis plus tard des services régionaux, tandis qu'un arrêté préfectoral (16 décembre 1991) crée le service de Martinique, distinct de la Direction du SMIRAG.

L'évolution statutaire de la Direction de la Météorologie en Etablissement Public à caractère administratif (Météo-France) en 1994, entraîne un changement d'organisation : la DIRAG (Direction InterRégionale Antilles-Guyane) est une DIR comme celles de métropole, constituée du siège de la Direction (Desaix, Fort-de-France où travaillent 20 à 25 personnes) et de trois Services Régionaux, chacun composé de 30 à 35 personnes (techniques et administratifs) :

- le Service Régional de Guadeloupe basé au Raizet, près de l'aéroport ;

- le Service Régional de Martinique basé au Lamentin, près de l'aéroport ;

- le Service Régional de Guyane basé sur les 2 sites de Cayenne (administration) et Rochambeau (exploitation) près de l'aéroport.

Voici la liste chronologique des responsables des différents services, sachant que le Directeur InterRégional, actuelle dénomination, était en fait à la fois le Chef du Service Météorologique de la région Antilles-Guyane et du département de la Martinique avant la création officielle de ce Service départemental en 1991.

Directeur Inter-Régional
Chef du Service de Guyane Chef du Service de Martinique Chef du Service de Guadeloupe
Jean ROMER (1932 - 1939)      
S. FROLOW (1940 - 1948) M. LAPIERRE (1946 - 1948)   Pierre DUVERGE (1944 - 1946)
GUILMET (1948 - 1951) M. VENTRILLON (1950 - 1952)   MM. ILIN puis HAMOUSIN (1946 - 1949)
HILAIRE (1951 - 1958) M. VAN der ELST (1952 - 1954)   MM. SELBONNE et GAYDU (1949 - 1953)
  M. DELOURME (1954 - 1957)   M. MARCOUYEUX (1953 - 1955)
  M. CAZALENS (1957 - 1959)   M. POIROT (1955 - 1957)
Marcel PERRUSSET (1958 - 1972) M. FOUGEROUZE ( 1959 - 1963)   M. DRAMET (1957 - 1960)
  Georges SINTHE (1963 - 1966)   M. THEVENEAU ( 1962 - 1966)
  M. COLOMBANI (1966 - 1971)   M. BAUDRY ( 1966 - 1968)
Jean ROBERT (1972 - 1977) M. ZONZON (1971 - 1977)   M. FERRET (1968 - 1982)
Michel LE QUENTREC (1977 - 1981) Albert ARRIEU(1977 - 1982)    
Pierre LE BERRE (1981 - 1983) Guy DELNOTT (1982 - 1989)   Albert ARRIEU (1982 -1985)
Guy LE GOFF (1983 - 1987)     Jacques PERIO (1985 -1989)
Guy LAMBOLEY (1987 - 1991) Paul RAPP (1989 - 1993) Georges SINTHE (1991 - 1995) Serge MONCELLE (1989 - 1992)
Alain SOULAN (1992 - 1997) Jean-Michel DUCOURET (1993 - 1997) Charles MANDAR (1995 - 1998) Norbert SIACCHITANO (1992 - 1997)
Monique CICCIONE (1997 - 2000) Dominique DAGO (1997 - 2010) Danièle CARNINO - DECAM (1998 - 2006) Claude MARILLER ( 1997 - 2006)
Maurice MERLET (2000 - 2004)      
Jean-Marc BONNET (2004 - 2007)   Jean-Noël DEGRACE (2006 à René FURY (2006 à 2011)
Nicolas BERIOT (2007 - 2009)      
Patrick VAN GRUNDERBEECK (2009 à 2012) Philippe LIVENAIS (2010 à 2013)   Didier ESCARTIN (2011 à 2013)
Victorine PERARNAUD (2012 à Danièle
CARNINO (2013 à
  Philippe BLEUSE
(2013 à