Isotherme 0 °C
La température - dans le cas général - décroît avec l'altitude. A un certain
niveau, elle est à 0 °C. Plus bas elle est positive, plus haut elle est
négative. L'ensemble des points de l'atmosphère où la température est à 0 °C
se présente comme une surface fictive, parfois très accidentée, le plus
souvent assez plane : l'"isotherme 0 °C" (les météos l'appellent entre eux
l'"iso 0").
L'altitude de l'isotherme 0 °C caractérise l'air. Il est erroné de croire
qu'elle représente aussi l'altitude à partir de laquelle le sol (alpage, roc
ou neige) est gelé. Cela peut être vrai dans certaines conditions, c'est
faux très souvent. En somme, il ne faut pas confondre "isotherme 0 °C", qui
signifie donc dans les bulletins météo "altitude où l'air est à 0 °C" et
"niveau de gel", paramètre propre au sol.
L'isotherme 0 °C pour l'alpiniste ou le skieur doit avoir valeur de repère.
Elle (car elle est du genre féminin, même si on l'emploie communément au
masculin), elle indique donc si l'air est froid ou bien chaud en altitude
(c'est capital pour évaluer la qualité de la neige, les risques de chutes de
pierres...). Ses fluctuations traduisent les changements de masses d'air
d'un jour à l'autre (en hiver surtout, ils ne sont pas toujours perceptibles
avec autant de sensibilité en plaine ou dans les vallées à cause de la chape
de froid inerte qui les recouvrent souvent sous les inversions), sa
stabilité est un gage de situation sans évolution notable. On la détermine
en lâchant des ballons-sondes (six stations météo spécialisées réalisent ces
lâchers en France), qui, tout au long de leur ascension, émettent par radio
les résultats de leurs mesures de température, mais aussi de pression et
d'humidité. Par ailleurs, la poursuite radar de ces ballons permet de
connaître avec précision la vitesse et la direction du vent à tous les
niveaux. Ils montent jusqu'à vingt ou trente kilomètres avant d'éclater,
tandis que les instruments reviennent au sol retenus par un parachute.
L'expérience montre que dans une même masse d'air l'altitude de l'isotherme
0 °C varie peu entre le jour et la nuit car l'air ne capte pas l'énergie du
soleil et ne se réchauffe donc pratiquement pas dans la journée, du moins à
bonne distance du sol. En outre, de vastes territoires peuvent être
recouverts par une masse d'air homogène où l'isotherme 0 °C est pratiquement
constante. Par exemple, dans certaines situations la valeur de l'isotherme 0
°C varie très peu sur l'ensemble de la France : 1800 m à Brest, 1900 m à
Paris, 1800 m à Nancy, 2000 m à Lyon, etc.... Par contre, au passage d'une
perturbation atmosphérique, qui s'accompagne toujours d'un changement de
masse d'air, des baisses ou des hausses de l'isotherme 0 °C de 1000 à 2000
m, voire plus, sont habituelles.
Le niveau de gel est bien évidemment influencé par l'altitude de l'isotherme
0 °C, mais en partie seulement. En effet, sous l'influence du soleil, le sol
se réchauffe au moins superficiellement, qu'il soit constitué de végétation,
de roc ou de neige ; la nuit, il se refroidit en rayonnant de la chaleur
vers l'espace. Aussi peut-on considérer que le niveau de gel oscille de part
et d'autre de l'isotherme 0 °C, vers le haut le jour, vers le bas la nuit.
Des écarts importants peuvent les séparer : en plein été la neige peut geler
en fin de nuit jusque vers 2000 m avec une isotherme 0 °C vers 4000 m.
Au lever du Soleil, l'écart entre niveau de gel et isotherme 0 °C est faible
si :
- le ciel est très nuageux ou couvert (effet de serre, donc rayonnement du
sol vers l'espace peu efficace) ;
- le vent est modéré ou fort (brassage actif donc refroidissement de la
surface du sol très limité) ;
- l'humidité est importante (effet de serre).
L'écart est grand si :
- le ciel est dégagé (refroidissement du sol par rayonnement nocturne
intense) ;
- le vent est calme ou faible (très peu de renouvellement de l'air au
contact du sol, donc très faible apport de calories) ;
- l'air est sec (la transparence atmosphérique optimise le rayonnement).
La topographie intervient aussi de différentes façons. Les cuvettes
accumulent le froid dans la nuit. Les écoulements d'air froid sur les
versants propagent le refroidissement vers l'aval. Ainsi, tel couloir de
neige sera bien gelé au petit matin parce qu'il canalise l'air froid de
rayonnement descendu des niveaux supérieurs, tandis qu'au même instant et à
même altitude la croûte de regel sera superficielle sur une crête voisine.