Si l'énergie interne est bien adaptée à l'étude des systèmes fermés, isolés et immobiles, l'enthalpie est la variable d'état qui intervient naturellement dans l'étude des systèmes ouverts et des fluides en mouvement : c'est le cas de l'atmosphère.
Concrètement, l'enthalpie massique de l'air humide est égale à la somme de l'énergie interne massique et d'un terme local formé par la pression divisée par la densité, ou encore, d'après la relation des gaz parfaits, du produit de R par T (où R est la constante du gaz parfait considéré). Si on admet que les trois composants majoritaires de l'atmosphère (O2, N2 et H20) sont des gaz parfaits, et si on reste dans la gamme des températures et pressions usuelles, on peut considérer avec une très bonne approximation que l'énergie interne, comme l'enthalpie, ne dépendent que de la température, et pas de la pression.
Plus précisément, pour un gaz parfait donné, la variation de l'enthalpie est proportionnelle à la variation de température. Le coefficient de proportionnalité étant égal à la "chaleur spécifique à pression constante" : il est notée Cp. Il ne faut en aucun cas en déduire que l'utilisation de l'enthalpie suppose que le fluide évolue à pression constante, de même que l'étude de l'énergie interne ne suppose pas que le fluide évolue à volume constant. Au même titre que l'entropie, l'enthalpie comme l'énergie interne constituent les variables de base qui peuvent décrire l'ensemble des propriétés thermodynamiques de l'air humide.
Pour calculer l'enthalpie d'un des gaz composant l'atmosphère, on peut simplifier la situation en observant que dans la gamme usuelle des températures observées dans l'atmosphère, disons entre 200 K et 330 K, Cp est une constante pour ce gaz (en étant bien sûr différents d'un gaz à l'autre). On peut alors déduire, par une simple intégration autour d'une température moyenne T0, que l'enthalpie massique d'un gaz est donnée par la formule h(T) = Cp (T-T0) + h0, où h0 est une constante d'intégration qui s'interprète comme l'enthalpie de ce gaz à la température constante T0.
Ces considérations très générales ne sont pas anodines lorsqu'il s'agit de calculer l'enthalpie de l'air humide. En effet, pour l'air humide qui est en première approximation un mélange des trois gaz O2, N2 et H20, l'enthalpie est tout simplement égale à la somme pondérée de l'expression donnée ci-dessus. La conséquence immédiate est une multiplication des constantes d'intégrations h0 par des coefficients variables, comme la concentration en H20 qui dépend directement de l'humidité de l'air. Ainsi, il n'est pas possible négliger ces constantes d'intégration qui peuvent acquérir un sens physique. C'est le cas pour un milieu ouvert comme celui de l'air humide, par exemple en cas de remplacement d'air sec par de la vapeur d'eau. C'est ce qui se produit, en particulier, dans les processus d'entrainement et de détrainement au bords des nuages.
Cette communication aux AMA présentera une partie des résultats qui sont décrits dans un papier soumis en août 2012 au QJRMS. Il s'agit d'une part de déterminer ces constantes d'intégration h0, ceci à travers l'intégration des valeurs des Cp entre 0 K et les températures ambiantes et pour chacun des trois gaz O2, N2 et H20. On peut alors montrer que la somme du géopotentiel et de l'enthalpie de l'air humide ainsi obtenue est presque égale à la quantité appelé Energie Statique Humide ou "MSE" (pour "Moist Static Energy" en anglais). Mais on ne retrouve pas exactement la MSE. Il semble que l'approche présente, basée sur la détermination des constantes h0 partir des données cryogéniques de O2, N2 et H20, apporte une justification inédite aux résultats publiés par Dufour et van Mieghem (1975), Betts (1974-75), Emanuel (1994) ou encore Ambaum (2010), entre autres, qui sont tous parti des équations différentielles de l'entropie et de l'enthalpie (équation de Gibbs) et qui ont été obligé de faire différentes approximations afin de pouvoir évaluer les fonctions entropie ou enthalpie elles mêmes.
En profitant de l'expression de l'entropie de l'air humide obtenue précédemment (Marquet, AMA 2011, QJRMS 2011), il est possible de tracer des diagrammes de Mollier, avec l'entropie de l'air humide en abscisse et son enthalpie en ordonnée. Il aussi possible d'étudier les propriétés de l'enthalpie utilisable (Marquet, AMA 1990, QJRMS 1993), qui est une combinaison à la fois de l'enthalpie de l'air humide, de son entropie et de son contenu total en eau. Enfin, on peut tracer les profils verticaux des différentes propriétés thermodynamiques de l'air humide (MSE, enthalpie, entropie, enthalpie utilisable, ...) pour différents strato-cumulus et cumulus, afin de pouvoir vérifier les aspects plus ou moins conservatifs de ces différentes propriétés.
Ambaum., 2010. "Thermal physics of the atmosphere". RMetS. Advancing Weather and Climate Science. Willey-Blackwell.Chichester, UK. Betts 1974. "Further coments on "A comparison of the equivalent potential temperature and the static energy"". J. Atmos. Sci. 31 (6), p1713-1715. Betts, 1975. "Parametric interpretation of Trade-Wind cumulus budget studies". J. Atmos. Sci. 32 (10), p1934-1945. Dufour et van Mieghem, 1975. "Thermodynamique de l'atmosphère". Institut Royal météorologique de Belgique. Emanuel, 1994. "Atmospheric convection". Oxford University Press. New York and Oxford. Marquet, 1990. "L'exergie de l'atmosphère. Définition et propriété de l'enthalpie utilisable humide". Ateliers de modélisation de l'atmosphère. Toulouse. Marquet, 1993. "Exergy in meteorology: definition and properties of moist available enthalpy". Q. J. R. Meteorol. Soc., 119 (511), p567-590. Marquet, 2011. "Une étude de l'entropie humide en météorologie". Ateliers de modélisation de l'atmosphère. Toulouse. Marquet, 2011. "Definition of a moist entropic potential temperature. Application to FIRE-I data flights". Q. J. R. Meteorol. Soc., 137 (656), p768-791. Marquet, 2012. "Computations of moist air thermal enthalpy. Plotting of Mollier, Bernoulli and available enthalpy diagrams". Soumis au Q. J. R. Meteorol. Soc. en août 2012. Mollier, 1927. "The Molier steam tables and diagrams Extended to the critical pressure". Translated by H. Moss, Pitman, London (1st German ed. published in 1906)